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LE CORPS DANS L'ART CONTEMPORAIN

PLAN : . Introduction : le corps comme objet de représentation 
              . 1960 : changement de paradigme du corps dans l'art
              . Catégorisation des pratiques artistiques autour du corps
                     - corps objet de représentation
                     - corps support
                     - corps outil
                     - corps créateur
                     - corps sculpture vivante
                     - corps travesti
                     - corps exhibé
                     - corps éprouvé
                     - corps martyrisé
                     - corps brutalisé
                     - corps transfiguré
                     - corps écorché
                     - corps mort
                   - corps technologique
                     - corps génétique
                     - corps seconde peau
             . Esthétique de ces oeuvres
             . Mouvements artistiques : Body Art, Art Corporel et Art Charnel
             . Conclusion



INTRODUCTION : LE CORPS COMME OBJET DE REPRÉSENTATION



Sandro Botticelli, La naissance de Vénus (1486)

Le corps humain a toujours été présent en art. Il a personnifié les dieux et les déesses, les saints et les rois, les croyants et les païens, les riches et les pauvres, les mythologies et l'histoire, les faits et les idées. Il s'est plié aux canons de beauté et aux modes vestimentaires. Il a traversé les siècles s'adaptant aux exigences des techniques, aux désirs des artistes, aux souhaits du public. L'histoire de l'art et les musées regorgent d'oeuvres le représentant dans toutes les positions, idéalisé ou naturel, embelli ou enlaidi, nu ou vêtu, joyeux ou tourmenté, jeune ou vieux, féminin ou masculin, acteur ou spectateur d'une scène. Le corps a traversé des siècles de création tout en restant objet de représentation ou sujet de l'oeuvre peinte, sculptée ou photographiée.
 


DEPUIS 1960 : CHANGEMENT DE PARADIGME DU CORPS DANS L'ART

Dans les années soixante et soixante-dix, les changements sociaux, les événements politiques contribuent à libérer l’individu. Au cours des années quatre-vingt, les conduites à risques et la pratique de sports extrêmes sont autant de manières pour se construire sa propre identité, pour revendiquer son droit à être. Depuis dix ans, les pratiques corporelles (body-painting, tatouage, piercing, scarification, burning) se banalisent. 

Le corps devient le support de revendications, l’outil de communication d’idéaux et de contestations.
Le corps devient un matériau de création et de destruction, un véhicule de provocation au service de la liberté d’expression. Les artistes lui confèrent une nouvelle dimension artistique en l' investissant de différentes manières.
 

CATÉGORISATION DES PRATIQUES ARTISTIQUES AUTOUR DU CORPS

. Corps objet de représentation
Des mains de Niki de Saint Phalle naît toute une kyrielle de Nanas, sculptures féminines aux formes généreuses et aux couleurs vives, icônes d'une  féminité exaltée.

   Nana, Hanovre (1974)



Bill T. Jones (1983)
. Corps support
Sous les pinceaux de Keith Haring, le corps devient une toile vivante.


 
 
 


   Yves Klein, Anthropométries (1960)

. Corps outil
Corps-pinceaux chez Yves Klein qui utilise des corps féminins recouverts de peinture pour réaliser de grandes toiles.

Corps-unité de mesure ou corps- instrument pour construire l'espace dans les photographies de Klaus Rinke.

Klaus Rinke, Changement de position dans un moment unique de temps (1972)



Bloodline (1994)
. Corps créateur
À travers les installations de Kiki Smith, le corps devient producteur de matériaux artistiques. Tous les liquides corporels (sang, sperme, urine, larmes, sueur, salive...) sont transformés en oeuvres d'art.
 
 







Twelve Jars (1998)

 


Urs Lüthi, Art for a better life (2001)
. Corps sculpture vivante
Figés dans des postures, couchés sur des piédestaux dans des galeries, des artistes, comme Urs Lüthi et Bruce Nauman se transforment parfois eux-mêmes en statues.

Bruce Nauman, Self-portrait as a fontain (1966)


. Corps travesti
Certains artistes, comme ici Michel Journiac et Lily Tomlin, jouent sur les représentations identitaires et sexuelles en s'emparant des codes vestimentaires et gestuelles du sexe opposé.

Michel Journiac, Piège pour un travesti, Arletty (1972)
Lily Tomlin, Tommy Velours (1990)


Joan Jonas, Sans titre (2001)
. Corps exhibé
Joan Jonas  et Rudolf Schwarzkogler dévoilent le corps nu dans toute sa beauté...ou...sa fragilité.

Rudolf Schwarzkogler, Aktion Vienne (1965)



Orlan, Baiser d'artiste (1977)


Dennis Oppenheim, Reading Position for Second Degree Burn (1970)

. Corps éprouvé
Le temps défile, l'artiste continue sa performance dans un certain plaisir pour Orlan, jusq'à la brûlure pour Dennis Oppenheim ou encore jusqu'à la fatigue pour Robert Racine.
 
 
 

 


Robert Racine, 840 Vexations de Satie (1978)

. Corps martyrisé
Mordu par Vito Acconci, coupé au rasoir par Gina Pane ou blessé par balles par Chris Burden, le corps garde les traces de la souffrance que l'artiste s'inflige.

Gina Pane, Action Psyché (1974

Vito Acconci, Sans titre (1971)



















 


Chris Burden, Shoots (1973)

Chris Burden, Shoots (1973)

. Corps brutalisé
Les violences infligées au corps par Sterlac ou Herman Nitsch heurtent les âmes et blessent les corps jusqu'à les transcender.

Sterlac, Event for self-suspension (1980)

Herman Nitsch, Aktion in Prinzendorf (1984)

. Corps transfiguré
Sous le scalpel des chirurgiens, le visage d'Orlan se transforme au gré de ses envies. Repoussant les limites de l'éthique, cette artiste utilise sa propre chair comme matériau de sa création. Chaque opération est mis en spectacle : les chirurgiens vêtus par de grands couturiers opèrent sous l'oeil des caméras vidéo reliées à divers lieux dans le monde. Anesthésiée localement, Orlan commente en direct le pourquoi de ces interventions. Voulant que son apparence charnelle reflète son image intérieure personnelle, elle dénonce la standardisation de la beauté et détourne la chirurgie plastique jusqu'à s'enlaidir en se faisant placer deux implants de silicone de chaque côté du front formant deux bosses.

Sans titre, image d'accueil de son nouveau site

Opération (1991)

Opération (1993)


. Corps écorché
Les oeuvres en papier mâché de Kiki Smith dévoilent les systèmes musculaires et veineux, l'ossature, la structure du corps humain. La beauté intérieure est ainsi présentée dans des sculptures qui rappellent les écorchés des anatomistes.
 
 



Sans titre (1992)


Vierge Marie (1992)

. Corps mort
Avec The Morgue, série de photographies montrant des parties de cadavres, Andres Serrano créent des natures mortes et autres vanités qui rappellent celles peintes par Théodore Géricault au début du siècle. Ses images, à la fois choquantes et empruntes de beauté, témoignent de la fascination de la mort présente chez un grand nombre de ses contemporains.


Pneumonia due to drawing (1992)

Infectuous penumonia (1992)


. Corps technologique
Grâce à des prothèses technologiques, Sterlac se reconstruit comme un cyborg, un être hybride fait de chair et d'acier, à la fois vivant par son côté humain et inanimé par ses excroissances mécaniques.
Confrontant l'homme à la machine ou en se greffant une oreille qui émt des sons au lieu de les recevoir, Sterlac illustre à travers ses performances les interactions possibles entre sujet humain et technologie.


Robot arm (1993)


Third ear (1997)

. Corps génétique
À l'heure où le clonage humain sucite beaucoup de débats passionnés au sein des sphères politiques et scientifiques, des artistes s'intéressent aussi au sujet. 
Dalia Chauveau, très intéressée par les impacts de la science et de la philosophie sur les arts, mène une démarche artistique centrée autour de la génétique et du clonage. Elle a créé une agence de clonage sur le web, invitant les internautes à créer des clones en choisissant parmi une banque de données, selon le principe du portrait-robot.


      W0030 (2001)          W0006 (2001)


A002236, alias Aqua (2001)


. Corps seconde peau
Nicole Tran Ba Vang, styliste, plasticienne et photographe, développe son oeuvre sur le principe des collections de mode. Considérant le vêtement comme une seconde peau elle donne à ses oeuvres l'apparence du corps. Grâce à l'infographie, elle parfait les images, elle offre une imge du corps lisse, gommé de ses défauts, comme pour répondre aux standards de la beauté véhivulée dans les magazines. "Une chirurgie sans douleur et sans risque, un véritable pari sur l'avenir qui s'inscrit au cœur d'un débat actuel. A l'ère des top-modèles et de la pub, le corps est devenu un objet de culte et de représentation qu'il est possible de retailler à ses mesures. Selon l'air du temps, pour être ou ne pas être à la mode." (Claire Gilly, le Monde, 2001)

Collection Automne-Hiver 2000-2001



ESTHÉTIQUE DE CES OEUVRES

Ces oeuvres répondent à : 
          - une quête spirituelle
          - un besoin de donner un sens à sa vie
          - des pulsions sado masochistes et agressives
          - un goût pour la provocation
          - une volonté de critiquer le statut du corps dans la société
          - un état de marginalisation
          - un caractère exhibitionniste

Leur esthétique repose sur la relation instaurée avec le spectateur qu'elles cherchent à sensibiliser par empathie physique et spirituelle, à provoquer, à sortir de sa passivité pour qu'il se remette en cause, modifie ses habitudes de penser et prenne conscience de sa corporalité.

MOUVEMENTS ARTISTIQUES : BODY ART, ART CORPOREL ET ART CHARNEL

À l'exception des Nanas de Niki de Saint Phalle, des écorchés de Kiki Smith et des habits de chair de Nicole Tra Ba Vang, toutes ces oeuvres peuvent être regroupées sous les noms de Body Art, Art Corporel ou Art Charnel, mouvements artistiques regroupant toutes les performances centrées sur le corps, actions ponctuelles faites selon des scénari prédéfinis, non reproductibles et dont seules subsistent des photographies et des vidéos. Les traces dans les chairs des artistes-performers peuvent être éphémères (comme par exemple chez Robert Racine ou Vito Acconci) ou durables (comme chez Chris Burden ou Orlan). Leur impact sur le spectateur est toujours violent car le propre de ces actions est de jouer avec les limites de la souffrance et de la douleur, de la jouissance et de la peur, de la vie et de la mort. 
 

CONCLUSION

Toujours provocantes, souvent repoussantes, parfois attirantes, ces démarches artistiques donnent au corps une nouvelle dimension. Outil, support de revendications et de provocations, matériau de création et de destruction, le corps est au coeur de l'art contemporain. Comme le dit si bien Michel Journiac, artiste français fondateur de l'art corporel en France, « le corps est le lieu de tous les marquages, de toutes les blessures, de toutes les traces. Dans les chairs s’inscrivent les tortures, les interdits des classes sociales, les  violences des pouvoirs, dispersés jamais abolis. Aujourd’hui, seuls les exclus créent. Car c’est le corps qui parle, énonce le refus. Du « tiers exclu » au « tiers monde » surgit le désir du corps communication et nécessite une nouvelle forme de création ».
 

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